Monastère des dominicaines de Lourdes

 

Baptême du Seigneur

Lecture

 

Alors apparaît Jésus, venu de la Galilée au Jourdain vers Jean, pour être baptisé par lui. Mais Jean l’en empêchait en disant : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et tu viens à moi ? » Jésus lui répondit : « Laisse faire maintenant, car c’est ainsi qu’il convient que nous accomplissions toute justice ». Alors Jean le laisse faire.
Quand Jésus eut été baptisé, il sortit aussitôt de l’eau ; et voici que les cieux s’ouvrirent [pour lui], et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu’une voix venant des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me complais » (Mt 3, 13-17).

Méditation

Jésus, le très saint, apparaît. Il commence sa vie publique en demandant un baptême de pénitence. Il vient au Jourdain, vers Jean, le précurseur.

Jean le baptiste

Le baptême de Jean et le baptême de Jésus

Jean baptiste est apparu le premier. Avant de parler du baptême de Jésus par Jean, Matthieu en effet a présenté Jean en train de baptiser (Mt 3, 5-12) : nous savons qu’il s’agit d’un baptême de conversion. Mais Jean a aussi annoncé qu’un autre viendra et baptisera « dans l’Esprit Saint et le Feu ». L’Esprit donne la vie. Le Feu est la forme sous laquelle l’Esprit a été manifesté le jour de la Pentecôte : il est signe de purification, signe de l’amour répandu dans les cœurs. Celui qui doit venir ne donnera donc pas un simple baptême de pénitence, mais un baptême qui fait naître à une vie nouvelle par une transformation qui purifie, comme l’or purifié par le feu.

L’humilité de Jean

Jean-Baptiste est apparu ; Jésus apparaît à son tour. Il sait ce qu’il fait : il n’hésite pas, il est déterminé. Il sait où il va, il connaît la mission que le Père lui a confiée ; et quand l’heure est venue, il vient pour la remplir. Son baptême par Jean doit en constituer l’inauguration.
Mais Jean-Baptiste a reconnu en Jésus celui qu’il annonce, qui est plus puissant que lui. Or son baptême est réservé à ceux qui confessent leurs péchés. Comment Jésus peut-il venir lui demander un baptême de pénitence, lui qui est sans péché ? Jean ne comprend pas : c’est lui qui aurait besoin de recevoir de Jésus l’autre baptême : le baptême dans l’Esprit et le Feu. Il ne se croit donc pas autorisé à donner à Jésus un baptême réservé aux pécheurs et il veut s’effacer devant lui. Mais Jésus insiste : c’est par ce baptême que doit passer l’accomplissement du dessein de Dieu. Jean accepte donc de le baptiser, malgré ses réticences ; il laisse faire Jésus, aussi étrange que lui paraisse sa demande.
En prenant la place qui est celle des pécheurs, Jésus accomplit la volonté de son Père ; en le laissant faire, Jean accomplit la mission reçue de Dieu : baptiser. Cette double adhésion à la volonté du Père est donc bien l’accomplissement de la justice, de l’ajustement à Dieu.
Jésus ne se manifeste pas en révolutionnant le déroulement du dessein de Dieu, mais il y rentre pour le mener à sa plénitude : il commence donc sa mission en recevant le baptême de Jean qui préparait la venue du messie. Et le baptême de pénitence devient l’annonce de ce que sera toute sa vie.

Jésus au rang des pécheurs

Le Fils du Père ne s’est pas contenté de se faire homme parmi les hommes, il a voulu se mettre au rang des pécheurs. Isaïe déjà, disait : « Il a été compté parmi les pécheurs » (Is 53, 12). C’est bien ce qui est arrivé. Et ce n’est probablement pas sans raison que, juste après le baptême, Jésus est tenté par le diable : il s’était tellement identifié aux pécheurs — même s’il ne s’est pas confessé pécheur — qu’il pouvait être pris pour un homme pécheur qui succomberait à la tentation comme tout le monde.
Pendant sa vie publique, ensuite, Jésus a reçu en pleine figure des paroles qui manifestaient qu’on le prenait pour un pécheur : « Tu es un Samaritain, un démon te possède » (Jn 8, 48 ; cf. 10, 20) ; « Nous savons que cet homme est un pécheur » (Jn 9, 24) ; « Il a blasphémé » (Mt 27, 65). Et pour finir, il est crucifié entre deux condamnés de droit commun.
Au point de départ de tout cela, il y a un choix libre de Jésus : il se met au rang des pécheurs par obéissance à son Père, pour accomplir la mission qu’il lui a confiée. Mais pourquoi devait-il se faire si proche des pécheurs ? Fallait-il vraiment que Dieu aille jusque là ? Il n’y a probablement pas d’autre réponse que l’amour, un amour que rejoint la brebis perdue là où elle est. Il ne craint pas de se salir au contact du pécheur, d’être méprisé à cause de ses amitiés douteuses, de faire passer le pécheur avant sa réputation. Cela — tout l’évangile en témoigne —, les pécheurs l’ont compris : ils ont su qu’ils étaient réellement et profondément aimés de Jésus et lui ont donné leur foi, leur amour. Jésus n’était pas au-dessus d’eux, mais avec eux. Il est l’innocent mis à mort avec les pécheurs, mais aussi pour les pécheurs, et encore par les pécheurs.
Car celui qui se fait baptiser parmi les pécheurs, qui se met au rang des pécheurs, est le Fils : une voix le révèle aux témoins de la scène. Le Fils en personne est descendu au cœur de notre monde pécheur. La Voix se fait l’écho du psaume 2 : « Tu es mon Fils, moi-même aujourd’hui je t’ai engendré », lu par saint Paul comme l’annonce de la résurrection (Ac 13, 33). La résurrection sera bien la manifestation de la filiation divine de Jésus. Elle révèlera avec force celui qui s’est abaissé aussi profondément.
Toute la vie de Jésus est annoncée dans la scène inaugurale de sa mission : sa solidarité avec les pécheurs, mais aussi sa résurrection. Pour mieux en saisir la profondeur, il est bon de se pencher sur les signes à travers lesquels Dieu nous parle dans la scène du baptême.

Les symboles présents

Divers éléments symboliques entrelacés font entrer plus avant dans la profondeur de l’événement : l’eau du Jourdain, les cieux qui s’ouvrent, la colombe et une voix. Nous allons les interroger.

L’eau du Jourdain

Le Jourdain apparaît dans la vie du peuple hébreu à la fin des quarante ans dans le désert : les Hébreux passent le Jourdain pour entrer dans la Terre promise. Josué — même nom que Jésus — l’avait fait traverser au peuple hébreu et cet événement était resté gravé dans les mémoires comme un grand moment. Le psaume 113 fait un rapprochement entre le passage de la mer rouge et le passage du Jourdain : les eaux du Jourdain auraient reflué comme les eaux de la mer rouge pour laisser passer les hébreux.
En baptisant dans le Jourdain, Jean fait de son eau un signe de purification des péchés. Mais en descendant à son tour dans le fleuve, Jésus donne à son eau un autre symbolisme. Il n’y descend pas pour être purifié, mais pour manifester ce que sera sa mission : une plongée dans notre monde de mort. L’eau, en effet, donne la mort : qu’on se souvienne du déluge. Mais l’eau donne aussi la vie : Dieu a donné de l’eau à son peuple dans le désert, il lui a aussi accordé la pluie en temps de sécheresse. Lorsque Jésus descend dans les eaux du Jourdain et en remonte, il préfigure donc sa descente dans la mort, dans les enfers, et son retour à la vie le jour de Pâques. Jésus indique d’emblée, sous forme symbolique, le but de sa mission. Il préfigure un autre baptême dont il doit être baptisé : le baptême de la croix. Jésus vient vers l'homme jusqu'au baptême de la mort ; il sera plongé dans la mort. Sa plongée dans l'eau du Jourdain en est un signe : désormais le monde et l'homme sont tout entier pénétrés par le Verbe de Vie qui les a revêtus.
En descendant dans l’eau du Jourdain, Jésus, le Saint, la sanctifie : il lui donne le pouvoir de donner la vie. Notre baptême est annoncé discrètement.

Les cieux ouverts

Les cieux s’ouvrent. Jésus promettra peu après à Nathanaël qu’il verra, et il ne sera pas le seul, le ciel ouvert. Etienne aussi a vu les cieux ouverts et le fils de l’homme debout à la droite de Dieu : les cieux ouverts sont synonymes de la gloire de Dieu (Ac 7, 55-56). On comprend que certains manuscrits précisent que les cieux se sont ouverts pour Jésus seul. Sa mort et sa résurrection ouvriront les cieux à tous.
Les cieux désignent symboliquement le mystère de Dieu, le mystère trinitaire. Jésus enseignera à ses apôtres à dire : « Notre Père qui es aux cieux ».
Jésus est remonté de l’eau, l’accomplissement de sa mission a commencé et son regard plonge dans le mystère du Père, dans sa gloire, c’est-à-dire le poids de son amour. La gloire du Père : c’est la source de son être et de sa mission.
C’est en se mettant au rang des pécheurs que Jésus manifeste cet amour. Dès le début de sa mission, commence avec le paradoxe qui déconcertera ses interlocuteurs pendant tout le temps de la vie publique : l’abaissement du Christ et ses prétentions à partager la gloire de Dieu.

La colombe

Seul Jésus a vu les cieux ouverts, seul il voit d’où vient l’Esprit. Mais comme l’Esprit a pris la forme d’une colombe, le signe peut être vu par d’autres, en particulier par Jean. Mais pourquoi l’Esprit descend-il sur Jésus qui a été conçu du Saint-Esprit ?

La voix

La voix du Seigneur — Qôl Adonaï — s’adresse à tous. Le Père parle de Jésus à tous ceux qui sont là.
Au moment où Jésus a plongé dans la faiblesse des hommes en prenant place parmi les pécheurs, Dieu révèle qui il est : son Fils bien-aimé, celui qu’il a envoyé. La vie publique de Jésus commence comme elle se continuera : la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse.
Le baptême de Jésus dépasse ce que Jean pouvait en percevoir : il est la manifestation de son être profond. La vie trinitaire s’engouffre dans notre monde pécheur : la mission que Jésus se prépare à accomplir est l’œuvre du Père, du Fils et de l’Esprit.

Notre baptême

Toute notre vie est récapitulée par le baptême du Christ ; notre péché est englouti, le salut nous fait émerger du péché et les cieux nous sont ouverts. A notre regard ainsi purifié, se découvre alors notre lien avec Dieu : nous sommes fils en Jésus, par le don de l’Esprit.

Prière

Pour tous les pécheurs dont le Seigneur s’est fait solidaire. Que la prière de Marie, Refuge des pécheurs, obtienne leur conversion.

 

Contemplation

Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce,
le Seigneur est avec toi,
tu es bénie entre toutes les femmes
et béni le fruit de ton sein,
Jésus,
- venu au Jourdain pour y être baptisé
- qui a voulu accomplir toute justice
- compté parmi les pécheurs
- l’innocent solidaire des pécheurs
- qui contemple les cieux ouverts
- sur qui l’Esprit est descendu
- qui inaugure sa mission
- plongé dans l’eau de la mort
- le Fils bien-aimé du Père
- qui baptise dans l’Esprit et le feu
Sainte Marie, Mère de Dieu,
prie pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort
AMEN.

 

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